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Faits : Dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie de Guyane, la société EDF a arrêté le projet de construction et d’exploitation d’une centrale électrique sur le territoire de la commune de Matoury au lieu-dit le Larivot. Cette nouvelle centrale est destinée à remplacer l’ancienne centrale électrique de Dégrad-des-Cannes qui, du fait de sa vétusté et de sa future non-conformité aux normes règlementaires, doit être mise à l’arrêt au plus tard le 31 décembre 2023. Par un arrêté du 22 octobre 2020, le préfet de la Guyane a donné son accord à la réalisation du projet.
Saisines : Les associations France Nature Environnement et Guyane Nature Environnement ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, sur le fondement de l’article L. 554-12 du code de justice administrative, afin d’obtenir la suspension de l’arrêté 22 octobre 2020.
Saisi sur ce fondement, le juge administratif des référés, dont la décision présente un caractère provisoire dans l’attente d’une décision définitive du tribunal, peut suspendre l’autorisation octroyée lorsque les arguments qui lui sont présentés suscitent un doute sérieux sur la légalité du projet.
A ce titre, une première décision est intervenue le 27 juillet 2021 sous le numéro 2100957.
Estimant qu’elles auraient dû être appelées à présenter leurs arguments lors de la première audience, la Chambre de commerce et d’industrie de la région Guyane, la Collectivité territoriale de Guyane et la Fédération régionale du bâtiment et des travaux publics ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane de revenir sur sa précédente décision.
A ce titre, une seconde décision est intervenue ce jour le 7 septembre 2021 sous le numéro 2101084.
Sous le numéro 2100957 – Le juge des référés a relevé deux points de nature à susciter un doute sérieux sur la légalité du projet.
D’une part, après avoir relevé que la vétusté de la centrale de Dégrad des Cannes aurait dû conduire les autorités et l’énergéticien à anticiper la situation, le juge a affirmé que ce litige ne saurait être examiné sans tenir compte de l’urgence climatique globale dont la France a pris la mesure en se fixant des objectifs à savoir la réduction des émissions de gaz à effets de serre à 40% d’ici à 2030 et la neutralité carbone en 2050. S’agissant du Larivot, le juge a relevé que l’arrêté prévoit l’usage du fioul domestique et délivre une autorisation d’émissions de gaz à effet de serre. Au terme des débats sur le fonctionnement de la nouvelle centrale, le juge a estimé que le projet tel qu’autorisé ne s’inscrit pas dans la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre et que si l’Etat et EDF ont fait valoir que la centrale fonctionnera dès 2024 à la bio-masse liquide, ils n’ont pas été en mesure de prouver cette allégation.
D’autre part, si le code de l’urbanisme permet, dans les espaces proches du rivage, l’extension de l’urbanisation des secteurs déjà occupés par une urbanisation diffuse ou encore les opérations d’aménagement prévues au préalable dans le schéma d’aménagement régional, le juge a constaté que le projet du Larivot n’a pas été préalablement prévu dans le schéma d’aménagement régional de la Guyane et que le site envisagé ne pouvait être regardé comme un secteur déjà occupé par une urbanisation diffuse.
Eu égard à ces éléments, le juge des référés a prononcé la suspension de l’arrêté du 22 octobre 2020.
Sous le numéro 2101084 – Les doutes du juge des référés n’ont pas été levés.
Après avoir jugé irrecevables les actions de la chambre de commerce et d’industrie et de la fédération régionale du bâtiment et des travaux publics, le juge a considéré que les explications et l’engagement de la CTG tendant à réviser sous 9 mois son schéma d’aménagement régional ne permettaient pas d’écarter le doute quant à la conformité du projet au code de l’urbanisme.
Enfin, si la CTG a fait valoir le risque d’atteinte à l’intérêt général que pourrait susciter la suspension du projet, le juge a écarté ce raisonnement au terme d’une analyse globale des éléments en présence à savoir les considérations d’ordre économique et social, les doutes sérieux quant à la légalité du projet et la situation d’urgence écologique et climatique.
Conclusions – Ces décisions provisoires aboutissent au prononcé et au maintien de la suspension de l’arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le préfet de la Guyane a autorisé le projet de centrale du Larivot.
Toutefois, le juge des référés a précisé que, si ces décisions provisoires peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat – pourvoi formé en ce qui concerne l’ordonnance n°21000957 du 27 juillet 2021 – la décision définitive du tribunal administratif de la Guyane interviendra dans un bref délai.