Un entretien avec Laurent Martin, président du tribunal administratif
Une journée d’études sur le droit des étrangers en Guyane s’est déroulée sur le campus de l’Université de Cayenne le jeudi 14 novembre dernier. Nous revenons aujourd’hui avec le président du tribunal administratif sur cette manifestation.
3 questions à Laurent Martin, président du tribunal administratif de la Guyane :
Quel bilan tirez-vous de cette journée d’études consacrée au droit des étrangers en Guyane ?
Tout d’abord et avant tout, la grande satisfaction d’avoir pu mener à bien la réalisation et l’organisation de ce projet commun à l’Université et au tribunal administratif –pour qui c’était une première-, et d’avoir vu venir à nous un public très intéressé qui a rempli (et au-delà pendant la matinée !) le grand amphi de l’Université. Ensuite, une non moins grande satisfaction quant à la qualité des interventions des professionnels que je souhaite une nouvelle fois remercier : les propos ont été riches et parfaitement préparés, le désir de dialogue manifeste entre les différents acteurs impliqués dans la mise en œuvre d’un droit complexe intéressant directement, on le sait, le tiers de la population vivant en Guyane.
Sur la journée proprement dite, les chiffres parlent d’eux-mêmes : une vingtaine d’interventions de haut niveau, une fréquentation cumulée sur la journée qui frise les 400 participants, un public tellement impliqué qu’il a fallu à plusieurs reprises que l’organisation interrompe les débats avec la salle pour que le programme de la journée d’études puisse se poursuivre, enfin une présence de tous les médias locaux, que nous remercions pour l’intérêt qu’ils ont porté à nos travaux.
En quoi est-ce si important, pour la juridiction que vous présidez, de nouer un tel dialogue ?
L’histoire et l’actualité le démontrent en permanence : que ce soit en France ou ailleurs dans le monde, et bien sûr ici en Guyane, le droit des étrangers est un marqueur essentiel de l’État de droit. Et pas seulement sur le plan des grands principes –pour faire bref que l’État respecte, dans le cadre de son action, les droits humains fondamentaux - mais également dans la pratique quotidienne des fonctionnaires, des avocats, des acteurs du monde associatif, des greffiers et des juges.
C’est pour cela qu’il est important qu’universitaires, magistrats, hauts fonctionnaires, praticiens du droit, acteurs de la société civile et des ONG, citoyens ou étrangers vivant ici puissent raconter leur expérience, dialoguer et débattre sur cette question. On le sait, le sujet est sensible et complexe, mais c’est en échangeant publiquement et en connaissance de cause qu’il apparaîtra pour ce qu’il est : un sujet global aux enjeux humains mais aussi techniques, irrigué de questions sociétales mais aussi juridiques. Un sujet complexe qui, pour être correctement abordé, exige de nous dépouiller de nos préjugés et du prêt-à-penser.
Avez-vous d’autres projets pour la juridiction ?
L’objectif, c’est d’inscrire le tribunal administratif toujours davantage dans le quotidien de la cité. Nous devons dire et expliquer ce que nous faisons : en organisant ce genre de colloques, en communiquant sur les affaires importantes que le tribunal est appelé à juger, en allant vers les justiciables – c’est ainsi que le tribunal tiendra pour la première fois une audience foraine à Saint-Laurent du Maroni le 5 décembre prochain. En outre, un film de 5 minutes, produit et déjà réalisé par le tribunal, sera bientôt accessible sur le site internet de la juridiction. Il a vocation à expliquer, pour les requérants étrangers, le déroulement d’une audience devant le tribunal, et ainsi faciliter l’accès au droit.
S’agissant de la journée d’études, nous avons le projet, avec l’Université, d’en faire un rendez-vous annuel : il existe en Guyane bien d’autres sujets que le droit des étrangers qui méritent échanges et réflexions. Je pense en particulier aux questions touchant l’environnement, le foncier, l’urbanisme…